Société : Réflexion sociologique du mariage précoce et forcé des filles/femmes en Guinée.

Société : Réflexion sociologique du mariage précoce et forcé des filles/femmes en Guinée.

Ces mariages, bien qu’illégaux, persistent encore dans notre pays; la loi a du mal à s’imposer et les victimes payent toujours les frais. Très peu de jeunes filles refusent le choix de la famille, celles qui le font se retrouvent le plus souvent abandonner par la famille.

Le code civil guinéen fixe l’âge du mariage à 17 ans au moins pour les femmes, et 18 ans pour les hommes. Le consentement libre des époux est une condition de validité du mariage. Mais la loi est désuète. En matière de mariage, la coutume et la religion priment sur le Droit. Le mariage coutumier, plus important, est donc largement adopté, souvent en violation de la majorité légale ou du consentement. Le mariage civil est facultatif. Il est souvent ignoré, et s’il doit être célébré, il succède toujours au mariage coutumier.

Fréquence des mariages précoces et forcés:

En marge de la célébration à Conakry le 16 juin 2017 de la journée de l’Enfant Africain, l’ex-ministre des Affaires sociales, a révélé une étude menée en 2016. 54,6% des filles sont mariées avant 17 ans, et 22,8% avant 15 ans. Une autre étude du gouvernement précise que 63% des unions (adultes) sont des mariages forcés.

Mais il est difficile de cerner le phénomène, beaucoup plus répandu en milieu rural et qui échappe à l’appréciation des autorités administratives. Ces mariages existent dans toutes les religions et dans toutes les ethnies, essentiellement chez les musulmans, et chez les Peulhs et Malinkés. Chez les Soussous et les Forestiers, le sexe est moins tabou et les règles de cohabitation sont moins rigoureuses. Les partenaires, en général, vivent longtemps en concubinage ou en fiançailles et mettent au monde des enfants avant de célébrer le mariage. Ainsi, les grossesses précoces hors mariages sont fréquentes.

Autant de mariages précoces et forcés, pourquoi ?

Dans certaines communautés, les relations sexuelles hors mariages sont prohibées par la bienséance. La virginité est sacrée, et doit se perdre pendant la nuit nuptiale. La fille qui tombe enceinte hors mariage ainsi que sa famille sont stigmatisées et méprisées par la société, et l’enfant qui naîtra est qualifié de « Bâtard ». Le baptême de cet enfant n’est pas célébré contrairement à celui de l’enfant légitime. Pour les parents, une fille dans le cocon familial, c’est un risque imminent. La femme est donc perçue comme une source de graves problèmes éventuels, qu’on peut prévenir par le mariage qui attire respect et considération à l’égard des époux et leurs familles respectives. En cas de grossesses hors mariages (adultes aussi), parfois des mariages sont rapidement arrangés par les parents pour empêcher l’affaire de tomber au grand jour.

Les autres facteurs encourageant les mariages d’enfants ou forcés sont l’analphabétisme et la pauvreté. Donner une fille en mariage, c’est réduire les charges liées à son entretien. La société guinéenne est de type patriarcal. Le mari est maître du foyer, il en assure sa survie financière. Ceci fait que plusieurs filles abandonnent l’école et ne travaillent pas, elles restent à la maison s’occuper des tâches ménagères. Les garçons partent au charbon pour faire vivre la famille.

Le choix parental et ses conséquences :

Dans plusieurs communautés ou familles en Guinée, ce sont les parents qui choisissent le mari de leur fille. Tant mieux si elle le trouve à son goût. Parce que la femme ne décide pas et son avis ne compte pas souvent. Le mariage est endogamique ; les conjoints sont souvent apparentés (cousins) ou leurs parents respectifs s’entendent bien. <<Tu l’aimeras avec le temps, je n’aimais pas ton père quand on s’est marié »« je n’aimais pas ta mère quand on s’est marié >>, plusieurs jeunes ont entendu ce genre de message. Le mari est souvent de loin le plus âgé ; l’écart d’âge peut aller jusqu’à 40 ans. Des fillettes ou des majeures sont souvent deuxième, troisième voire quatrième épouses d’un vieux polygame.

Refuser le choix parental ; c’est humilier ses parents qui auraient mal élevé leur enfant. La fille qui refuse peut être répudiée, reniée par sa famille, chassée du domicile parental et rejetée par la société. De nombreuses filles et femmes acceptent le choix parental, non par amour du mari, mais pour sauver l’honneur de la maison. D’autres trouvent refuge chez les proches qu’elles appellent à intercéder en leur faveur. Mais, aucune autre famille n’accepte de recueillir pour longtemps une femme en déroute, de peur de passer pour sa complice. La famille d’accueil doit diligenter les négociations, au cas où celles-ci échouent, la fille est renvoyée.

Amadou Diaby
amadoualphamariamadiaby@gmail.com
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